Actualités des enseignants Archive

Discussion avec Mathieu Rigouste

En octobre 2010, pendant une manifestation, deux étudiants de sociologie de Paris 8 sont arrêtés, placés en garde à vue et mis en examen pour rébellion…
Mathieu Rigouste est l’auteur de L’ennemi intérieur. La généalogie coloniale et militaire de l’ordre sécuritaire dans la France contemporaine . Il est invité à venir discuter des politiques répressives, le Mardi 7 décembre 2010, à 10h en Salle A1 163 (studio de danse).
Pour plus d’informations :
– contactez Nicolas Jounin,
Affiche de présentation de l’événement

Décès de Michel Meyer

Le département de sociologie a le regret de vous faire part du décès de Michel Meyer, assistant puis maître de conférences au département de 1969 à 2005, responsable du département au début des années 2000, période lors de laquelle il a contribué à l’établissement d’une nouvelle maquette d’enseignement.

Empires et colonies :

Ingolf Diener, anthropologue et maître de conférences au département de sociologie, participera à une présentation-débat de l’ouvrage « Empires et colonies » auquel il a participé.

Institut Goethe : 27 avenue dâ??Iéna, lundi 29 novembre à 19H

PRÃ?SENTATION ET DÃ?BAT
Participants : Christine de Gemeaux, Jean-Paul Cahn et Ingof Diener
Modération : Nicole Colin (Professeur à lâ??Université dâ??Amsterdam)

EMPIRES ET COLONIES. Lâ??Allemagne, du Saint-Empire au deuil postcolonial, sous la direction de Christine de Gemeaux, Collection Politiques et Identités, PUBP, Clermont-Ferrand, juin 2010, ISBN 978-2-84516-437-6, 350 p. â?? 20 â?¬ pour lâ??édition papier. ISBN 978-2-84516-444-4, 348 p. â?? 13 â?¬ pour lâ??édition numérique (pdf).

De la fin du XIXe au début du XXe siècle se constitue brièvement un important Empire colonial allemand. La question du Reich, liée au rapport entre lâ??Empire et ses colonies, restera posée jusquâ??à lâ??époque de la République Fédérale. Convergences entre le Reich allemand et les autres grands Empires coloniaux ou bien â??voie spécifiqueâ?? allemande (Sonderweg)? Le débat portera sur cette interrogation, sur la thèse du « retour du refoulé », après les massacres en Afrique du sud-ouest, et sur lâ??hypothèse du deuil postcolonial allemand après la Guerre d’Algérie.

Christine de Gemeaux est Professeur de civilisation et histoire des idées allemandes à l’Université François Rabelais de Tours
Jean-Paul Cahn est Professeur de civilisation allemande à l’Université de Paris-Sorbonne (Paris IV), il a notamment publié « La République Fédérale d’Allemagne et la Guerre d’Algérie », Le Félin, 2003
Ingolf Diener est anthropologue-sociologue, Maître de Conférences à l’Université de Paris VIII, spécialiste de l’Afrique du sud-ouest, il a publié « Namibie. Une histoire, un devenir », Paris, Karthala, 2000, et, avec Olivier Graefe, lâ??ouvrage collectif â??La Namibie contemporaine. Les premiers jalons dâ??une société post-apartheidâ??, Paris, Karthala, 1999.

Plus d’informations : Empires et colonies (PDF)

Projection du film Kokonor

Dans le cadre de la journée d’études L’éclatement de la ville sur les campagnes ? organisée par Béatrice David, anthropologue au département de sociologie de l’université Paris 8 :

Projection du film  »Kokonor, un lac tibétain en sursis » (2008, 52′, vostf.), un documentaire du poète et réalisateur tibétain Jangbu (Chenaktsang Dorje Tsering), en présence du réalisateur, et avec la participation de la co-traductrice du film, Françoise Robin, tibétologue, maîtresse de conférences à l’INALCO.
Lundi 6 décembre 18h30-20h30 Bât D Amphi D002

Le lac salé Kokonor s’étend sur plus de 3000 km2, à une altitude de 3200 mètres dans la province du Qinghai en République populaire de Chine. Depuis toujours connu comme lac sacré, Kokonor est devenu dans les années 1960 une célèbre base de recherche militaire accueillant les essais de la première bombe atomique chinoise. Aujourd’hui, Kokonor est une station balnéaire très prisée par les touristes chinois fuyant les chaleurs des plaines. Chenaktsang Dorje Tsering (Jangbu) réalisateur tibétain originaire de la région donne la parole aux personnes qui vivent autour du lac: nomades tibétains, parents et enfants, immigrés chinois … Sa sensibilité d’écrivain et poète réussit à capter l’invisible, l’indicible et fait de ce film un témoignage troublant.

Organisation et contact: Béatrice David, anthropologue, maître de conférences au département de sociologie (UFR HSLG)

L’éclatement de la ville sur les campagnes ?

Béatrice David, anthropologue au département de sociologie, organise une journée d’études qui se tiendra le 6 décembre 2010.
Programme complet de la journée d’études (pdf)
Un film, Kokonor sera projeté publiquement le même jour à 18h30.

L’éclatement de la ville sur les campagnes? Les recompositions du rapport urbain-rural dans les mobilités de loisirs en Chine au début du XXIe siècle

Journée d’études organisée dans la cadre du Pôle Ville de l’Université Paris-8, en partenariat avec le Centre d’Etudes sur la Chine Moderne et Contemporaine (CECMC-UMR 8173 Chine Corée Japon EHESS-CNRS) et le Pôle de Recherches pour l’Organisation et la Diffusion de l’Information Géographique (PRODIG-UMR 8686/Paris-1 Panthéon-CNRS.)

Lundi 6 décembre 2010 9H15 – 18H00
Université Paris-8 Bâtiment A 1er étage salle 2278 (service de la recherche)

Texte de présentation :

Si l’on admet que la pratique du tourisme est « une des caractéristiques qui définissent l’homme moderne », le tourisme, envisagé comme lieu d’une expérience concrète de la modernité, offre « la métaphore succincte » à partir de laquelle appréhender la modernité chinoise. Ce postulat d’une relation entre tourisme et modernité doit être reposé à la lumière des situations locales en mutation dans une « Chine en mouvement » profondément remodelée par l’essor des mobilités contemporaines du travail et d’agrément.
Les mobilités de loisirs sont un important vecteur d’une modernité qui impose un regard urbain sur les lieux fréquentés temporairement. Durant les premières décennies qui ont marqué l’envol de l’activité touristique en Chine au début des années 1980, l’approche du tourisme dans les travaux de sciences sociales (principalement en anthropologie et géographie) a surtout porté sur les dynamiques identitaires à l’œuvre dans les lieux du « tourisme ethnique », dans les régions des nationalités minoritaires, particulièrement celles du sud-ouest. La saillance du rôle de l’Etat dans la production des « cultures » réifiées des «minorités ethniques » engageait en effet à mettre au centre de l’observation et de l’analyse les lieux par excellence de la mise en scène de ces « altérités internes ». Cette mise en tourisme des ethnicités minoritaires informe souvent davantage sur les représentations du groupe dominant, porté par une quête d’exotique par laquelle confirmer sa centralité politique et culturelle dans la définition de la nation chinoise moderne.
Cette journée d’étude invite à poursuivre la réflexion sur le rôle des mobilités du tourisme dans la construction d’une « expérience chinoise de la modernité » qui recompose les paysages, réels et imaginaires, de l’urbanité et de la ruralité selon des modes inédits. La « ville » et la totalité des expériences et des images qui lui sont associées, sont devenues le signifiant conquérant d’une condition moderne chinoise contemporaine. L’essor des mobilités touristiques produit « un éclatement de la ville sur les campagnes » qui, sans abolir les distances entre les deux, rogne l’opposition radicale et arbitraire issue des expériences du siècle dernier.
Comme toute destination touristique, la « campagne » fréquentée dans le cadre des mobilités de loisirs est un lieu inventé, re-dessiné par les imaginaires et les attentes de visiteurs pour l’essentiel en provenance des zones urbaines. Les formes de la rencontre entre le rural et l’urbain qui se construit dans le temps et l’espace de la fréquentation touristique des lieux (re)façonnés pour la consommation touristique doivent être examinées, particulièrement dans les nouveaux sites où se réalisent ces « désirs d’ailleurs » (campagne, montagne, bord de mer etc.)
Pour les urbains de la Chine en transition depuis le début des réformes de la fin des années 1970, le rural, sous ses formes localisées diverses, fut longtemps (et le demeure) synonyme de pauvreté, d’un style de vie arriéré. Le développement des flux touristiques encouragés par le développement et le réaménagement du temps des loisirs depuis la fin des années 1990 (re)conduit désormais son lot, chaque année plus nombreux, d’ « urbains » vers des espaces ruraux réaménagés et offerts à la fréquentation
touristique sous les étiquettes de « tourisme rural », de « tourisme vert », « bleu », « blanc », « d’écotourisme », de « tourisme
environnemental » et d’un « tourisme rouge » aux accents patriotiques. Ces mots nouveaux résonnent comme autant d’espoirs d’expériences inédites qui inscrivent les acteurs sociaux dans le « monde (ré)enchanté » du tourisme, lieu d’une expérience de la modernité partagée à l’échelle universelle.

– Organisation
Béatrice DAVID, anthropologue, maître de conférences au département de sociologie (UFR HSLG) de l’Université Paris-8, chercheuse associée au Centre d’Etudes sur la Chine Moderne et Contemporaine (CECMC)

– Contact
bdavid@univ-paris8.fr

Le «jeune de banlieue» n’existe pas

Fabien Truong, professeur agrégé au département de sociologie de l’université Paris 8, signe aujourd’hui une tribune dans le quotidien Libération :
Le «jeune de banlieue» n’existe pas :

En octobre 2005, il y a juste cinq ans, éclataient les émeutes urbaines, perçues à juste titre comme le cri de révolte et de désespoir de la jeunesse reléguée et stigmatisée des quartiers populaires périphériques. Et cela fait cinq ans que l’on croit tout savoir sur le jeune de banlieue. On a tout lu, tout vu, tout entendu. Il a été analysé, observé, filmé, croqué, interviewé jusqu’à satiété. La couverture médiatique a été à la mesure de l’ampleur du soulèvement juvénile et, finalement, à son image : massive et inaudible. Massive : 1 260 000 résultats en 0,41 seconde pour l’occurrence « jeune de banlieue » sur Google.fr. Inaudible, car catégoriser la jeunesse de ces quartiers sous cette seule appellation d’origine contrôlée n’a pour seul effet que de renforcer le pouvoir simplificateur et rassurant du stéréotype.

A travers mon expérience de « prof de banlieue » au lycée – encore un autre stéréotype – je n’ai jamais rencontré le jeune de banlieue dont on me parle tant. Par contre, j’ai travaillé à Drancy, à Saint-Denis, à Stains et à Aubervilliers avec Aminata, Boris, Clarissa, Daniela, Elena, Fatiha, Gil, Hicham, Ikhlef, Jamila, Kevin, Larissa, Mansour, Nawelle, Ophélie, Pedro, Quin Yuan, Rajan, Sekou, Tatiana, Umit, Vinelson, Walid, Xiang, Yamina, Zohair et bien d’autres. (…)
Lien vers la tribune

La réforme des retraites : un recul pour les femmes

La réforme des retraites : un recul pour les femmes
Coline Cardi, MCF, Paris 8.

Ce n’est pas en tant que spécialiste des retraites que j’interviendrai ici : si j’ai pu travailler dans le cadre de mes recherches sur les rapports sociaux de sexe et sur la dimension genrée de l’Etat social, la question des retraites n’est pas au cœur de mes travaux. Ce texte est donc le résultat d’une synthèse de la lecture de différents articles scientifiques et militants que je me permets de reprendre à mon compte en tant qu’ils offrent une entrée par le genre, et en particulier par la situation des femmes, dans le débat actuel sur la réforme des retraites.
A ce propos, il convient avant tout de souligner combien le sort fait aux femmes retraitées, et plus généralement la dimension sexuée et genrée du système français des retraites, reste un impensé, tant des travaux scientifiques que des débats publics. Certes, on a vu paraître ces derniers mois quelques articles mais, jusque là, le sujet a été largement ignoré. « On a constaté qu’il n’existe pas de réel débat public en France sur les droits propres des femmes en matière de retraites et que peu d’études et de recherches abordent cette question » (Kerschen, 2002). Pour exemple, le premier rapport du Conseil d’orientation des retraites (COR) de 2001, qui avait pour objectif de mettre à jour un certain nombre de sujets « qui lui paraissent essentiels pour poser le socle des réformes à venir », ignore la question des femmes, constatent Carole Bonnet et Christel Colin (2003).
La question est pourtant fondamentale, tant d’un point de vue politique qu’économique, au moins à deux égards. D’une part parce que les femmes sont entrées massivement sur le marché du travail salarié : à l’heure actuelle, un actif sur deux (47%) est une femme, si bien qu’on ne peut parler des travailleurs sans évoquer le sort des travailleuses. D’autre part, parce que notre système de protection sociale a été historiquement construit sur le modèle de « Monsieur Gagne-pain » : il repose sur une conception familialiste et andro-centré, qui tend à reproduire une conception traditionnelle des rôles de sexe (Gautier, Heinen, 1993, Jenson, 1997, Revillard, 2007). Ce modèle est particulièrement perceptible en ce qui concerne nos retraites, le régime français ayant été pensé en référence à un homme pourvoyeur, bénéficiant au moment de la retraite de droits directs, et une femme au foyer, bénéficiaire à la retraite de droits « indirects », droits ouverts par le statut d’ « épouse de » (Lanquetin, 2003, Brocas, 2004). Or, le contexte économique n’est plus celui du lendemain de la seconde guerre mondiale : le plein emploi n’est plus de mise et les femmes sont entrées massivement sur le marché du travail. Pour autant, la réforme qui vient d’être votée permet-elle une plus grande égalité entre les hommes et les femmes en matière de retraites ? Nous verrons que cette réforme constitue au contraire un recul : non seulement elle ne traite pas la question des inégalités hommes-femmes, mais elle contribue même à les renforcer, comme elle renforce les inégalités entre femmes, selon leur appartenance de classe.

1. La retraite : une situation marquée par de fortes inégalités entre les sexes

La réforme aggrave une situation déjà très fortement inégalitaire. Même si les écarts se réduisent en partie, les inégalités hommes-femmes en matière de retraites demeurent très importantes, contrairement à ce qu’affirme souvent le gouvernement. Ces inégalités se lisent au travers de trois constats statistiques qu’ils convient de rappeler. Ici distingués, ils sont en fait étroitement liés.
Tout d’abord des femmes perçoivent des retraites de beaucoup inférieures à celles perçues par les hommes. En 2004, les pensions dites « de droit direct », (c’est-à-dire celles acquises en contrepartie d’une activité professionnelle tout au long de la vie), n’atteint que 45% de celle des hommes, soit une retraite de 55% inférieure à celle des hommes. Même en ajoutant les « droits dérivés » (pensions de réversion qui correspondent aux dispositifs conjugaux et familiaux dont elles peuvent bénéficier), on constate, certes, une réduction des écarts, mais cette réduction est très faible puisque la retraite des femmes reste inférieure de 48% à celle des hommes. Concrètement, aujourd’hui, alors qu’en moyenne les hommes perçoivent une retraite de 1455 euros par mois, les femmes, elles, perçoivent en moyenne 822 euros mensuels. Ainsi, contrairement à ce que peut avancer le gouvernement, les dispositifs de solidarité dont peuvent bénéficier les femmes, notamment ceux qui compensent l’impact des enfants, ne suffisent pas, et de loin, à réduire les inégalités hommes-femmes devant la retraite.
Deuxièmement, et parce que les femmes touchent des pensions bien plus faibles que les hommes, ce sont aussi elles qui sont le plus touchées par la précarité au moment de la retraite : 4 femmes retraitées sur 10 perçoivent moins de 600 euros par mois, contre un homme retraité sur 10. La Commission européenne attirait elle-même l’attention sur un risque de pauvreté plus important pour les femmes, ce qui se vérifie tout au long de la vie, en particulier au moment de la retraite. Ajoutons à cela la situation assez dramatique de toutes celles, femmes d’artisans ou de paysans par exemple, qui n’ont jamais été déclarées et qui ne touchent donc aucune pension de droit direct, alors qu’elles ont travaillé leur vie durant.
Enfin, troisième point, les femmes sont moins nombreuses à partir à la retraite avec un taux plein. Du fait de carrières souvent interrompues, souvent à temps partiel, elles ont beaucoup moins de trimestres validés que les hommes, contrairement à ce qu’affirmait Eric Woerth lorsqu’il déclarait lors de la présentation du projet de loi en juin dernier qu’« aujourd’hui les femmes ont autant de trimestres validés que les hommes ». Les rapports du Conseil d’Orientation des retraites disent des choses très différentes : certes, les écarts entre les durées validées par les hommes et les femmes se réduisent, mais pour autant, les femmes parties à la retraite en 2004, avaient 20 trimestres de moins que les hommes, soit 5 annuités de moins. Sachant que 5 annuités manquantes entraînent une décote de 25%. Dans ce contexte, on comprend aussi que les femmes attendent souvent leurs 65 ans pour partir à la retraite et bénéficier d’un taux plein.
En ce qui concerne l’avenir, le gouvernement se montre très confiant : l’entrée massive des femmes sur le marché du travail contribuerait à réduire les inégalités. A en croire Eric Woerth encore, « les femmes nées dans les années 1960, lorsqu’elles prendront leurs retraites, auront 15 trimestres de plus que les hommes (débat à l’assemblée nationale, 9 sept 2010), et le Ministre de s’en référer au rapport du Conseil d’orientation sur les retraites. Or, que peut-on lire dans ce rapport ? D’abord que l’écart serait beaucoup moins grand que celui annoncé : le rapport parle de 5 trimestres pour celles nées en 1980 et qui partiront à la retraite fin 2040. Non seulement l’écart est plus faible qu’annoncé, mais on peut aussi se demander ce qu’il adviendra de toutes celles qui partiront à la retraite d’ici cette date.
Pour être plus précise, les études montrent qu’avec l’augmentation du taux d’activité des femmes et la réduction des différences de rémunération liées à la hausse des qualifications féminines, il y aura sans doute une réduction des écarts de retraite, sans pour autant qu’on arrive à l’égalité (Bonnet, Colin, 2003). Les projections de l’INSEE, sous l’hypothèse d’une poursuite de la hausse du taux d’activité des femmes, tablent que pour les femmes nées entre 1965 et 1974, les pensions seraient encore inférieures de 32% à celles des hommes. Pour ces mêmes générations, seules 33% des femmes liquideraient leurs droits à la retraite, soit une proportion identique à celle de leurs ainées (Bonnet, Buffeteau, Godefroy, 2006).
De plus, les chiffres cités par le gouvernement restent à prendre avec une extrême prudence, c’est ce que rappelait Nicolas Castel, c’est aussi ce que précise le dernier rapport du COR : « Ces estimations doivent néanmoins être interprétées avec prudence, du fait des limites inhérentes aux projections ». Prudence d’autant plus importante que les inégalités hommes-femmes sur le marché de l’emploi demeurent très importantes (Maruani, 2000, Gadrey, 2001, Marry, Maruani, 2003). Il y a des éléments structurels à cette situation, qui sont autant de facteurs qui risquent de venir contrecarrer cette évolution présentée comme « positive » par le gouvernement et auxquels la réforme ne remédie en rien. Ces inégalités tiennent à la fois à la division sexuelle du travail domestique et éducatif (encore très largement dévolu aux femmes) et aux discriminations dont les femmes sont victimes sur le marché du travail.

2. Le moment de la retraite : un miroir des inégalités sexuées au travail

Les inégalités hommes-femmes face à la retraite sont en effet le résultat, le miroir grossissant des inégalités persistantes sur le marché du travail (Bereni et al, 2008).
D’une part, l’accès à l’emploi reste très inégalitaire, ce qui n’est pas sans conséquence sur les retraites. Les modalités d’insertion des hommes et des femmes sur le marché du travail restent, malgré la féminisation du marché du travail, très différenciées, les femmes étant les plus touchées par la précarité de l’emploi. Elles sont d’abord les plus concernées par le temps partiel, qui, dans toute l’Union Européenne, a pour caractéristique première et pour constante d’être avant tout féminin. Ainsi, en 2006, au niveau européen, 31,2% des femmes salariées travaillaient à temps partiel, contre 7,7% des hommes en emploi. En France, en 1998 par exemple, parmi les 3,9 millions de travailleurs à temps partiel, 82% étaient des femmes. Contrairement à une idée reçue, le temps partiel est rarement le résultat d’un choix pris par les femmes pour des raisons familiales : il s’agit plutôt d’un temps partiel imposé ou choisi « faute de mieux ». Notons qu’il concerne d’ailleurs davantage les femmes de moins de 25 ans et celles de plus de 59 ans, celles qui, justement, ne sont pas les plus touchées par les charges de famille. A cela s’ajoute que les femmes sont aussi plus nombreuses parmi les stagiaires et les contrats aidés, ainsi que parmi les contrats à durée indéterminée. Surtout, les femmes sont plus touchées par le chômage et l’inactivité. En France en 2006, le taux de chômage était de 8,1% pour les hommes et de 9,6% pour les femmes. Ces aléas de carrière ne sont évidemment pas sans impact sur les droits à la retraite acquis.
D’autre part, les hommes et femmes n’occupent pas les mêmes postes et les mêmes conditions de travail. L’indice emblématique de ces inégalités concerne les salaires. En France, le salaire moyen des femmes représente entre 75% et 85% de celui des hommes et ce chiffre se retrouve dans l’ensemble de l’UE. Si cette inégalité reflète en partie les inégalités dans l’accès à l’emploi (fréquence du temps partiel), elle ne suffit pas à expliciter ces différences de salaires : en France, chez les salariés à temps complet, le salaire mensuel des femmes représente 79% de celui des hommes. En outre, le marché du travail reste nettement segmenté : hommes et femmes ne sont pas à travail égal. Ils n’occupent pas les mêmes métiers, les métiers féminins (les secteurs de l’éducation, de la santé et du social, à 75% féminisés) étant globalement défavorisés, considérés comme peu prestigieux. Et cette ségrégation horizontale se double d’une ségrégation verticale : sauf pour la catégorie des ouvriers, les femmes sont de moins en moins nombreuses au fur et à mesure qu’on progresse dans l’échelle des métiers. Elles sont ainsi minoritaires dans les métiers et postes les plus valorisés socialement et/ou financièrement. Alors qu’on compte, parmi les employés, 76,6% de femmes, seuls 36% des cadres et professions intellectuelles supérieures sont des femmes, et 16,6% des chefs d’entreprise de 10 salariés et plus. Enfin, soumises au « plafond de verre » (Marry, 2008), les femmes sont peu nombreuses à accéder aux postes les plus prestigieux. Pour exemple, dans l’enseignement supérieur, elles représentent 38,5% des maîtres de conférences contre 16% des professeurs.
L’ensemble de ces constats montre que les inégalités professionnelles se prolongent tout au long de la carrière ; la retraite est l’illustration et le miroir grossissant de ces inégalités.

3. Les effets des réformes et les solutions alternatives

On comprend que dans ce contexte, la réforme, qui ne s’attaque pas aux causes en amont des inégalités hommes/femmes devant la retraite, ne réduit en rien les écarts face à la retraite. Seule concession faite par le gouvernement : il prévoit la prise en compte des indemnités journalières du congé maternité dans le calcul de la retraite. On a là une mesure compensatoire juste, mais qui ne concerne en fait que 16 ou 32 semaines sur plus de 2000 semaines d’activité au total. Contrairement à ce qu’affirme le gouvernement, on n’a pas là de quoi réduire les écarts énormes entre hommes et femmes, et sont remis en cause puisque ces dispositifs ont déjà été réduits par la réforme de 2003 et en 2009. On pourrait même souligner que ces droits dérivés posent problème en termes d’égalité à la citoyenneté : c’est en tant que mère ou en tant que « épouse de », et non en tant qu’individus automnes que les femmes perçoivent ces droits dérivés (sur ce point, voir notamment les débats sur l’Allocation parentale d’éducation – APE –, qui a contribué à naturaliser les rôles de sexe et à limité l’accès des femmes à l’activité salariée).
Non seulement cette réforme ne résout pas le problème, mais elle le creuse. « Dans un système comme le système français, dans lequel les pensions de retraites sont étroitement liées à la carrière professionnelle, les réformes consistant à renforcer ce lien avec le marché du travail (reflétant la volonté de rendre le système plus « contributif ») conduisent en général à désavantager les femmes » (Carole Bonnet et Christel Colin, 2003). C’est ce qu’on voit clairement à travers cette réforme : en allongeant la durée de cotisation, le rapport du COR souligne explicitement que les décalages de la date de départ en retraite seraient plus importants chez les femmes que chez les hommes, témoignant de la pénalisation particulière des femmes en cas de report des bornes d’âge.
On peut alors se demander quelles solutions alternatives envisager. A ce propos, ATTAC et la Fondation Copernic, en se basant sur des analyses scientifiques, font un certain nombre de propositions que je reprends ici (Attac, Fondation Copernic, 2010).
A court terme, ils proposent :
– Une revalorisation du minimum contributif au niveau du Smic (pas de retraite inférieure au Smic pour une carrière complète) ;
– Une revalorisation des droits sociaux attribués sur une base individuelle et droits sociaux non familialisés avec, notamment, la revalorisation de l’allocation de solidarité aux personnes âgées (ASPA) ;
– Une répartition plus juste des bonifications pour enfants ;
– Dans l’objectif d’un retour aux 10 meilleures années pour le calcul du salaire de référence du régime général, proratisation du nombre de ces meilleures années en fonction du nombre total d’années d’activités. Pour les femmes ayant des courtes carrières, la règle des 25 dernières années a en effet un impact désastreux.
– Prise en compte des indemnités journalières de maternité dans le calcul du salaire annuel moyen. Actuellement, les périodes de congé maternité ouvrent droit à la validation de trimestres, mais nâ??entrent pas dans le calcul de la pension.
A plus long terme, il convient de sâ??attaquer, on lâ??aura compris, aux inégalités en amont. Cela suppose de prendre des mesures qui permettent dâ??améliorer le taux dâ??activité (qualifiée) des femmes et de réduire le temps partiel imposé ou « faute de mieux » : développement de services publics dâ??accueil de la petite enfance et dâ??aide aux personnes âgées (avec pour corollaire une revalorisation des salaires et une reconnaissance des qualifications nécessaires pour ces métiers traditionnellement féminins) ; majoration du taux de cotisation des employeurs qui imposent le temps partiel ; abandon de toute mesure du type APE remplacée par une mesure égalitaire de congé parental. En ce qui concerne les salaires, un rattrapage des salaires de femmes sâ??impose, à la fois à titre politique mais aussi à titre économique : les inégalités qui pénalisent les salaires des femmes sont autant de manque à gagner pour les ressources en cotisation. Dans un rapport de 2009, la Commission Européenne allait dâ??ailleurs en ce sens, mettant en avant une étude scientifique qui « montre que lâ??élimination des disparités entre les femmes et les hommes dans le domaine de lâ??emploi pourrait entraîner une croissance du PIB de lâ??ordre de 15 à 45% selon les pays ».
Enfin, lâ??entrée par le genre dans le débat sur les retraites amène à repenser la question du lien, si fort en France, entre activité salariée et pensions, dans un contexte où, on le sait, lâ??activité et le travail des femmes ne se limite pas à lâ??emploi quâ??elles occupent.

Quelques repères bibliographiques
« Retraites : une réforme qui lèse les femmes », Le Monde, 8 octobre 2010.
ATTAC, Fondation Copernic, 2010, Retraites, lâ??heure de vérité, Paris, Editions Syllepse. Voir notamment les chapitres 4 et 9.
Bereni L. et al, 2008, Introduction aux Gender Studies. Manuel des études sur le genre, Bruxelles, Editions De Boek Université.
Billard M., Bousquet B, Buffet M. G., Poursinoff A., « Retraite des femmes : le mensonge comme seul argument », Le Monde, 17 septembre 2010.
Bonnet C., Buffeteau S., Godefroy P., 2006, « Disparités de retraite entre hommes et femmes : quelles évolutions au fil des générations ? », Economie et statistique, n° 398-399, pp. 131-148.
Bonnet C., Colin C., 2003, « Les retraites des femmes : situation actuelle et perspectives », Travail, genre et sociétés, Paris, La Découverte, 1, n°9.
Brocas A. M., 2004, « Les femmes et la retraite en France : un aperçu historique », Retraite et société, La découverte, 3, n°43, pp. 11-33.
Conciali Pierre, 2003, « Les retraites : quel avenir pour les femmes ? », Travail, genre et sociétés, Paris, La Découverte, 1, n°9.
Gadrey N., 2001, Travail et genre : approches croisées, Paris, Ed. L’Harmattan.
Gautier A. Heinen J (dirs.), 1993, Le sexe des politiques sociales, Paris, Côté femmes.
Kerschen N., 2002, « La sécurité financière des femmes pendant la vieillesse : politique des retraites et réforme de lâ??assurance vieillesse en Allemagne et en France », Retraites et société, n°37, pp. 256-263.
Lanquetin M.T., 2003, « Femmes et retraites », Travail, genre et sociétés, 1, n°9, pp. 234-239.
Marry C. et Maruani M., 2003, Le travail du genre, Les sciences sociales du travail à l’épreuve des différences de sexe, Paris, La découverte-Mage, 2003.
Marry C., 2008, « Le plafond de verre dans le monde académique : l’exemple de la biologie », Idées, la revue des sciences économiques et sociales, CNDP, n°153, Paris, p. 36-47.
Maruani M., 2000, Travail et emploi des femmes, Paris, La Découverte.
â??Réforme des retraites : un recul pour les femmesâ??, Mediapart, 18 juin 2010: http://www.mediapart.fr/club/edition/les-invites-de-mediapart/article/180610/reforme-des-retraites-un-recul-pour-les-femmes.
â??Retraite des femmes : le mensonge comme seul argumentâ??, Le Monde, 17 octobre 2010.
Revillard A., 2007, « La cause des femmes dans lâ??Etat : une comparaison France-Québec (1965-2007) », thèse de doctorat, Ecole Normale Supérieure de Cachan.
Les différents rapports du COR peuvent être consultés à cette adresse : http://www.cor-retraites.fr/index.php

Coline Cardi dans Sud Ouest

Coline Cardi, maîtresse de conférences au département de sociologie de l’université Paris 8, était interviewée dans Sud Ouest dimanche 31 octobre :

L’ENTRETIEN DU DIMANCHE
La violence au féminin. PROPOS RECUEILLIS PAR PIERRE TILLINAC

« Sud Ouest Dimanche ». Le rapport de l’Observatoire national de la délinquance met l’accent sur une augmentation de la délinquance chez les filles mineures. Notamment pour les violences aux personnes. Se comportent-elles vraiment de plus en plus comme des garçons ?

Coline Cardi. La publication de ce rapport a donné lieu à de nombreux commentaires sur l’« explosion » de la délinquance féminine. Alain Bauer, qui préside le conseil d’orientation de l’Observatoire, a cité le chiffre d’une augmentation de 133 %.

Ce qui est effectivement important…

Mais toutes ces données sont en fait à relativiser. Nous sommes sur une durée assez longue puisque la période de référence est 1996. Cette année-là, on recensait 15 000 adolescentes mises en cause. En 2009, on en compte 30 000. Nous restons donc sur des chiffres très faibles comparés aux 180 000 garçons aujourd’hui impliqués dans des faits de délinquance.

Le phénomène serait donc en réalité plutôt marginal ?

Il est important de rappeler la relative faiblesse de ces chiffres, non seulement parce qu’on voit bien que le phénomène reste marginal, mais aussi parce que lorsqu’on travaille sur de si petits nombres, une légère augmentation conduit forcément à faire augmenter très nettement les pourcentages. Si bien que le chiffre de + 133 % n’a finalement pas grand sens, et encore moins sur une longue période. Surtout, les chiffres cités dans le rapport ne parlent pas tant de délinquance que du nombre de personnes mises en cause par la police et la gendarmerie.

Ces statistiques traduisent donc plus l’activité des services de police et de gendarmerie que la réalité de la délinquance.

Comment faut-il les analyser ?

Ces chiffres conduisent plutôt à faire l’hypothèse d’une modification du contrôle policier à l’égard des filles. Un retour par l’histoire est aussi nécessaire. Si l’on en croit ces statistiques, on peut aussi en conclure que jamais les femmes n’ont été aussi peu violentes.

Aux XVIIIe et XIXe siècles, les femmes majeures ont représenté jusqu’à 30 % des personnes emprisonnées. Aujourd’hui, elles sont 3,4 %. Pour toutes ces raisons, je pense que l’idée d’une augmentation de la violence des filles doit largement être relativisée.

Peut-on tout de même y voir la conséquence de l’égalisation des modes de vie entre les hommes et les femmes ?

On s’est déjà posé la question, notamment dans les années 70 aux États-Unis. On pensait que si les femmes vivaient comme des hommes, elles finiraient par commettre autant d’infractions qu’eux. Ce mouvement n’a jamais été constaté. Au contraire, les chiffres restent très stables.

La vraie question, c’est : quel sort fait-on à cette violence des filles ? Je pense qu’à partir du moment où une fille devient violente comme un garçon, elle sera davantage réprimée ou surveillée. D’abord, parce qu’elle fait preuve de violence dans une société qui le tolère de moins en moins. Ensuite, parce qu’elle est une fille et qu’une femme violente dérange.

Les commentaires sur les chiffres du rapport de l’Observatoire prouvent en effet que la délinquance féminine a quelque chose de scandaleux…

Quand une fille est là où on ne l’attend pas, et notamment dans les chiffres de la police et de la gendarmerie, les stéréotypes de genre font que l’on est plus choqué que lorsqu’un garçon se retrouve dans la même situation.

Il n’y a qu’à voir la façon dont elles sont traitées dans les médias. En règle générale, on en fait des monstres. On met en avant leur cruauté, leur perversité. On développe toute une mise en scène pour montrer à quel point elles sortent du rôle qu’on attend d’elles.

La violence des hommes est-elle mieux acceptée ?

D’une certaine façon, elle dérange moins l’ordre social dans la mesure où elle est attendue, normale, d’un point de vue statistique.

Je pense aussi que l’on fait, à l’heure actuelle, un autre usage de la violence des filles. Brandir l’argument des filles, c’est une façon de renforcer l’idée qu’il faut réprimer davantage la violence en général et celle des jeunes en particulier. On peut aussi y voir un antiféminisme latent. Il est tout de même étrange de penser que l’égalisation des sexes donne la possibilité aux filles d’avoir accès à l’usage de la violence et de ne pas vouloir penser en revanche que cette égalisation pourrait inciter les garçons à intégrer des valeurs plus féminines.

Quelle est la réalité de ce que l’on appelle les bandes de filles ?

À ma connaissance, elles n’existent pas vraiment. Si elles se créent, c’est de façon très souple et temporaire. Dans les bandes des années 80, elles avaient un rôle spécifique. Elles ne participaient pas aux actes violents. Elles tenaient plutôt les sacs des garçons, si l’on peut dire.

Mais la France, finalement, connaît assez mal le phénomène de la violence féminine.

Comment expliquer cette absence de curiosité ?

Il y a plusieurs raisons. La première tient à la sous-représentation statistique des filles dans les phénomènes constatés de délinquance, qui fait que la question du sexe du contrôle social est restée impensée, alors même qu’elle est criante, les chiffres en témoignent.

Ce silence vient aussi du côté des féministes. Aujourd’hui, on peut poser la question. Dans les années 70, l’urgence était plutôt de dénoncer les violences faites aux femmes. Ce n’était pas le moment de s’interroger sur la violence des femmes, qui reste un phénomène marginal même s’il est constant.

Mais, contrairement à tout ce que l’on dit, la délinquance des filles est finalement assez comparable à celle des garçons. Au niveau des majeures, comme les hommes, un tiers des femmes en prison y sont pour des vols.

La prise en charge sociale est-elle la même pour les femmes et pour les hommes ?

Il faut distinguer les mineures et les majeures. Chez les mineures, même en cas d’infraction, l’ouverture d’un dossier au pénal n’est pas systématique. On ouvre plutôt un dossier en assistance éducative. On ramène en effet très vite les actes de délinquance à un mal-être d’ordre psychique ou familial. Compte tenu des transformations de la justice des mineurs, cela est toutefois en train d’évoluer.

Chez les majeures, c’est la maternité qui fait la différence. La justice pénale fait preuve d’une certaine indulgence pour les délinquantes qui ont des enfants. Elle prononcera moins facilement une incarcération que pour une femme sans enfants. Cela conduit à des différences de traitement entre hommes et femmes, mais aussi entre les femmes.

Claire Lévy-Vroelant sur France Culture

Claire Lévy-Vroelant, professeure de sociologie à l’université Paris 8, participe à l’émission « Questions d’époque » sur France Culture, lundi 1er novembre 2010 (entre 11h et midi).
Elle participera aussi aux premiers « Entretiens de Montreuil organisés par Médiapart et la ville de Montreuil, le 6 novembre 2010.

Intervention de Nicolas Castel

Nicolas Castel, sociologue, est intervenu lundi 25 octobre. Un texte de Coline Cardi suivra.

Partie 1 : démonter l’argumentaire réformateur ou « il n’y a pas péril en la demeure »
Ce qui ce passe aujourd’hui en matière de retraite est la poursuite d’une orientation politique vieille de plus de vingt ans. Nous sommes face à un projet économique et non face à un « problème des retraites » qu’il faudrait résoudre. Il n’y a pas de « problème des retraites ». Pour le comprendre, tordons le cou à plusieurs idées fausses.
Commençons par un truisme. La lecture d’ensemble gouvernementale et médiatique est tronquée parce qu’elle est strictement gestionnaire. Il est trivial de présenter les 14 millions de retraités d’aujourd’hui et les 20 millions de retraités de demain comme un « coût ».
Continuons avec une autre absurdité : le « problème démographique ». Il y a d’abord cette histoire de « vieillissement démographique ». Il s’agit d’un concept idéologique inventé dans l’entre-deux guerre par les natalistes. Il s’agit aussi d’un concept figé. Un individu vieillit par contre une société ne vieillit pas (ex. immigration toujours possible ; le renouvellement des générations est assuré en France ; un âge moyen ça monte et ça descend). Une société peut disparaître mais ça n’a pas beaucoup de sens de dire qu’elle vieillit. Transformer une caractéristique biographique en caractéristique sociétale, c’est souvent faire de la sociologie de comptoir !
Mais ce qui interpelle le plus, c’est le « choc démographique ». On nous dit : « aujourd’hui nous avons 4 retraités pour 10 actifs alors que demain nous aurons 7 à 8 retraités pour 10 actifs, c’est la catastrophe, on ne pourra pas payer les retraites ! »
Il faut y aller doucement parce que les projections démographiques (solides à quinze ans près mais pas au-delà) disent beaucoup de choses.
Grosso modo, en 1970, pour dix cotisants, il y avait trois retraités. En 2010, ça double, pour dix cotisants, il y a six retraités. En 2050, est-ce que nous sommes sur la même progression, c’est-à-dire un doublement du nombre de retraités ? Soit douze retraités pour dix cotisants. Et bien non, on s’approche de huit retraités pour dix cotisants. Donc le « choc » à venir est moins « percutant » que celui passé. Et même plus, le « choc » n’est pas « mortel ». Allons plus loin avec les mêmes projections démographiques. Elles disent une chose essentielle et assez encourageante pour l’avenir. En 2000, pour dix cotisants, il y avait 16 inactifs et actifs inoccupés (les chômeurs). En 2050, pour dix cotisants, il y aura 17 inactifs et actifs inoccupés. Est-il si difficile de prévoir sur une période de cinquante ans de financer progressivement un inactif de plus pour dix cotisants ? !!!
Soit dit en passant, il faut rappeler dans le contexte économique très dur que nous vivons, un autre élément encourageant, le taux d’emploi. Il se trouve que le taux d’emploi des 20-59 ans est en progression : il est aujourd’hui de 75 % alors qu’il était de 65 % au début des années 1960. Donc si « plein-emploi » il y a, celui-ci est bien plutôt devant nous que derrière nous (durant les « trente-glorieuses »).
Bref, il n’y a pas de « choc démographique ». Par contre, il y a un besoin de ressources monétaires plus important en direction d’une population retraitée plus nombreuse et qui parce qu’elle quitte de plus en plus tôt le travail subordonné (c’est-à-dire l’emploi) vit heureusement plus longtemps.
Comment financer les retraites ? Là, il faut proposer une hypothèse un peu folle. Il faut faire sauter le seul, l’unique tabou dans le débat sur les retraites. Il faut faire l’hypothèse d’une augmentation des taux de cotisation sociale et donc plus largement des salaires.
En s’appuyant sur les données du Conseil d’Orientation des Retraites en 2001, on s’aperçoit que pour conserver des droits à pension élevés à partir de 60 ans et assis sur 150 trimestres, tout en faisant face à l’augmentation des besoins de financement du fait d’une population de retraités plus nombreuse et vivant plus longtemps, tout cela suppose d’augmenter les taux de cotisation de 0,375 point tous les ans durant quarante ans.
Il se trouve que cette hausse des taux de cotisation de 0,3 à 0,4 point tous les ans lissée sur quarante ou cinquante ans, c’est pareil, et même moins, que celle qui fut faite durant cinquante ans pour créer et pérenniser – au sortir de deux guerres mondiales et d’une des plus grandes crises financières de l’histoire du capitalisme – un système de Sécurité sociale qui est, faut-il le rappeler, un des meilleurs au monde.
J’entends bien qu’on puisse ne pas être convaincu par l’argument rétrospectif. Alors faisons du prospectif…
On peut dire « si on donne aux retraités, on ne pourra pas donner aux salariés ». Et bien non, parce qu’on sera amené à se partager un gâteau plus gros. On constate en effet que le PIB double tous les cinquante ans en monnaie constante. Prenons un exemple. En 1950, sur un PIB de 750 milliards d’euros, il fallait 5 % pour les retraites et il restait 712,5 milliards pour les salaires des actifs, l’investissement, les profits, les services publics et l’ensemble des autres prestations sociales (naissantes à l’époque). En 2000, nous consacrons 12 % d’un PIB de 1500 milliards d’euros, il reste 1320 milliards pour tout le reste. En 2050, nous consacrerons 20 % d’un PIB de 3000 milliards d’euros, il restera 2400 milliards d’euros pour les salariés, l’investissement, les droits sociaux et pourquoi pas pour une nouvelle cotisation relative à la protection de l’environnement.
Notre système de protection sociale n’est donc pas confronté à un désastre démographique. Il n’y a pas d’urgence et nous avons le temps de réfléchir à des financements supplémentaires.

Partie 2 : Où il est question du projet économique et politique des réformateurs.
Alors s’il n’y a pas de « problème des retraites » comment interpréter ce qu’il est convenu d’appeler depuis deux décennies en altérant le sens du mot réforme : la réforme des retraites ? Qu’est-ce que cette contre-réforme qui commence en 1987 lorsque Séguin décide d’indexer sur les prix les retraites liquidées et les salaires portés au compte de l’assuré ?
La réforme des retraites, c’est une transformation de la répartition.
Dans les sociétés capitalistes et salariales sur longue période, la tension est forte entre une progressive et massive socialisation des ressources monétaires (en l’occurrence des salaires via les cotisations sociales) et une logique libérale encourageant la prévoyance pour les plus riches et l’assistance pour les plus pauvres. Le système des retraites est au cœur de cette opposition séculaire entre la socialisation des salaires et le vieux binôme prévoyance/charité.
Notre système vient de loin. Les fonctionnaires qui quittaient leur service à 60 ans ou 55 ans, conservaient leur grade dans leur pension. Pour eux, la retraite représentait la continuation de leur traitement et cela s’est progressivement mis en place entre les lois de 1853 et 1948. Il se trouve que pour un nombre de plus en plus important d’hommes essentiellement, la retraite par imitation avec la logique à l’œuvre dans la Fonction publique, prend la forme d’une continuation de son salaire. Un salaire continué référé à sa meilleure qualification durant une période de vie de plusieurs décennies émancipée du marché du travail.
Les traits venant affirmer la retraite comme continuation du salaire sont nombreux :
– des taux de remplacement élevés (en moyenne une pension équivalent à 85 % du dernier salaire pour la génération de 1930 ayant une carrière complète). Ces taux de remplacement rendent inutile le recours à de l’épargne-retraite (et ainsi n’encouragent pas une accumulation financière nocive en termes d’emplois) ;
– une indexation sur les salaires qui affirme le lien entre les salariés en activité et les salariés retraités ;
– une mensualisation des pensions comme des rémunérations qui rapproche les retraités des salariés en activité ;
– une prise en compte des meilleurs salaires de la carrière (les dix meilleures années) en respect de la qualification acquise durant sa formation et sa vie de travail ;
– un financement par des cotisations sociales ;
– une durée de cotisation possible (37,5 annuités) ;
– une solidarité salariale élargie (c’est-à-dire pas de distinction dans le financement entre des droits qui seraient contributifs et des droits qui seraient non contributifs) ;
– et enfin, l’affirmation d’un âge politique d’émancipation du travail subordonné (60 ans ou 65 ans).
Or la contre-réforme va remettre en cause la quasi-totalité de ces éléments. J’en donne les grandes lignes.
Primo. Il s’agit d’une mise en difficulté structurelle du système par un gel des taux de cotisations patronales dans le régime général depuis 1979 et plus tardivement dans les régimes complémentaires et par des exonérations de cotisations sociales partiellement remboursées et inefficaces en termes de création d’emplois de qualité.
Secundo. Il s’agit d’une indexation sur les prix et non sur les salaires très pénalisante depuis 1987 pour les pensions du privé, renouvelée pour cinq ans par Balladur en 1993, poursuivie par Jospin en 1998, étendue par Fillon aux pensions publiques en 2003 et aux pensions des régimes d’entreprise par Bertrand en 2008.
Tertio. Il s’agit d’étendre la subordination du travail au-delà de 60 ans (« nous vivons plus longtemps donc nous devons travailler plus longtemps » nous dit-on) mais surtout il s’agit de diminuer les taux de remplacement afin que ceux qui le peuvent épargnent et viennent se faisant alimenter la spéculation financière.
Comment ? Et bien par les mesures suivantes :
– allongement de la durée de cotisation de 37 années et demie à 41 années pour pouvoir prétendre au taux plein dès 60 ans ;
– un salaire de référence égal aux 25 et non plus aux 10 meilleures années de la carrière ;
– un jeu de décote/surcote ;
– une possibilité pour l’employeur de mettre d’office un employé à la retraite repoussée de 60 à 70 ans ;
– des mesures facilitant le cumul emploi/retraite ;
– et enfin des âges légaux repoussés de deux ans (62 ans et 67 ans).
La contre-réforme en marche depuis la fin des années 1980 vient donc transformer la répartition. Il s’agit pour les réformateurs de supprimer la pension comme continuation du salaire pour donner à la place deux choses :
– soit, sur un financement par cotisations sociales, une pension comme revenu différé. C’est-à-dire la stricte récupération, virtuelle toujours, de mes cotisations passées. C’est ce qu’on appelle la « contributivité » qu’on retrouve dans les « comptes notionnels » ou un « système en points » qu’on essaye de nous vendre. Ce revenu différé pourrait être complété lorsque sa rémunération le permet par une épargne-retraite.
– soit, sur un financement par l’impôt, une pension comme allocation. Le pauvre n’ayant pas pu cotiser, parce qu’inemployable ou stigmatisé comme tel, aura droit au nom de la solidarité nationale, autrement dit au nom de la charité, à une allocation.
La boucle est bouclée. Nous retrouvons le vieux binôme libéral qui fait de nous de bons retraités prévoyants ayant longtemps été en situation d’emploi ou alors qui nous renvoie à la figure du pauvre. Et cela contre la figure sous-estimée du retraité salarié, celui qui voit dans sa pension la continuation de son salaire lui permettant d’inventer par une pluralité d’activités sociales un nouveau rapport au travail émancipé de toute subordination.

Coline Cardi dans Le Monde

Coline Cardi, maîtresse de conférences au département de sociologie de l’université Paris 8, était interviewée aujourd’hui dans Le Monde :

La délinquance des jeunes filles est en hausse depuis 1996, selon les chiffres de la police et de la gendarmerie publiés le 5 octobre par l’Observatoire national de la délinquance et de la réponse pénale. Coline Cardi, sociologue, chercheuse au CRESPPA CSU et maître de conférences à Paris-VIII Vincennes-Saint-Denis, relativise cette affirmation. Elle est l’auteure notamment de La Déviance des femmes. Délinquantes et mauvaises mères, entre prison, justice et travail social.

Depuis 1996, la part des filles parmi les mineurs mis en cause par la police et la gendarmerie est passée de 9,9 % à 15,5 %. N’est-ce pas le signe que la délinquance des jeunes filles augmente fortement ?

Coline Cardi : Le chiffre que vous citez augmente certes mais il montre qu’on n’est sûrement pas face à une « explosion » de la délinquance des jeunes filles – ce que laisse penser un autre chiffre, souvent cité et qui fait état celui de 133 % de hausse du nombre de mineures mises en cause, entre 1996 et 2009. Les chiffres de la délinquance des mineures restent assez faibles, et il faut donc les nuancer, même si on peut avoir l’impression que les augmentations sont fortes.

La délinquance des mineures reste faible, selon vous ?

Si la proportion de filles se situe autour de 15 % des mineurs mis en cause, elle est à peu près égale à celle des femmes majeures, qui est stable depuis 2004 (voir l’article correspondant dans le rapport annuel de l’ONDRP 2009). Et rappelons que ces chiffres restant des constatations faites par la police et la gendarmerie, ils témoignent davantage de l’activité de ces services.

Ces chiffres policiers recoupent-ils ce que vous avez observé au niveau de la justice et de la prison, par exemple ?

Au niveau de la prison, on n’a pas du tout d’augmentation forte et le taux est plus faible : il y a 3,4 % de femmes – majeures – parmi les détenus (voir les chiffres de la population carcérale en septembre 2010). Au niveau de la justice, le taux de femmes parmi les condamnés est autour de 10 % (voir les chiffres de condamnations en 2008). C’est donc au niveau de la police que les chiffres sont les plus importants.

Comment expliquer que le taux de femmes mises en causes soit supérieur au taux de condamnées, et au taux d’incarcérées ?

Les infractions sont différentes et il y a aussi une forme de clémence de la justice, qui est à relativiser là encore. Les femmes sont en partie protégées du risque d’incarcération mais cette protection se solde par d’autre types de contrôle par la justice.

Les jeunes filles ne sont-elles pas plus violentes qu’avant ? L’Observatoire national de la délinquance souligne que les atteintes à l’intégrité physique commises par des filles mineures ont augmenté de 83 % depuis 2004, contre seulement 46 % pour les garçons.

Pour certains, les filles, quand elles sont violentes, le sont plus que les garçons. C’est une idée partagée par certains juges, notamment pour enfants. Ceci peut s’expliquer par la difficulté à penser et à appréhender la violence des femmes. Quand il y a une affaire de violence impliquant des filles, on la médiatise, en mettant volontiers en avant une forme de sadisme, de cruauté, en donnant une image de « monstrueuses ». Dès que les filles transgressent des normes de genre, comme la violence, associée au masculin, cela choque davantage. Récemment, les discours qui pointent la violence des filles a pu aussi bien légitimer un discours sécuritaire, avec l’idée que « même les filles s’y mettent… » qu’un discours antiféministe, avec l’idée que l’émancipation des femmes conduirait à en faire des hommes.

Mais les jeunes filles sont-elles plus violentes qu’avant ?

En tout cas, la police arrête plus de filles qu’avant. Il y a plusieurs hypothèses. On peut se demander s’il n’y a pas plus de passage à l’acte violent. Les filles feraient alors de plus en plus comme les garçons. On peut penser que la frontière de genre s’estompe. Mais c’est une hypothèse que l’on a déjà faite dans les années 70, aux Etats-Unis, quand on s’est intéressé à la délinquance des femmes et qui ne s’est absolument pas vérifiée.

Comment alors expliquer la hausse des chiffres policiers concernant les mineures ?

L’autre hypothèse est celle d’une transformation dans le contrôle social. La police serait moins tolérante à l’égard des filles qu’auparavant. On sait que le contrôle des femmes par la police a pu être plus important dans les magasins, pour les vols. Il augmente peut-être depuis sur la voie publique. Dans la représentation policière, comme dans la représentation générale, une fille est à l’origine moins délinquante qu’un garçon.

Propos recueillis par Alexandre Piquard

source

Quelques nouvelles

Voici quelques informations récentes.

Josette Trat, maîtresse de conférences au département de sociologie, a pris sa retraite.

Daniel Terrolle a dirigé un ouvrage collectif, L’arrière-cours de la mondialisation, publié par les Editions du Croquant.

Fabien Deshayes a été recruté en tant qu’ater pour les deux semestres. Il enseignera les « étapes du changement social ». Il est actuellement en thèse, et travaille sur la protection de l’enfance, les écrits professionnels, la constitution de dossiers du côté des institutions et des individus, sous la direction de Jean-François Laé.

Fabien Truong, responsable de la préparation au CAPES de sciences économiques et sociales est interviewé sur kezeco. Son dernier article a fait l’objet d’un compte-rendu sur nonfiction.

Camille Peugny était récemment l’invité de la chaîne « Public Sénat » :

Pastoralisme nomade au Soudan

Une journée d’étude organisée par Barbara Casciarri, anthropologue et maîtresse de conférences au département de sociologie, a lieu jeudi 7 octobre 2010.
Le pastoralisme nomade constitue depuis toujours l’une des formes d’organisation socio-économique les plus viables pour divers groupes soudanais. Malgré les crises écologiques et les pressions pour la sédentarisation, on estime à 20% le pourcentage de la population pastorale dans le pays. Le secteur de l’élevage représente 22% du PIB. il contribue à 18% des exportations et constitue une source de revenus pour environ 80% de la force de travail rurale.
Marginalisés par les politiques de l’Etat (colonial et post-colonial) et par les interventions internationales, les pasteurs soudanais sont aujourd’hui confrontés à des pressions multiples qui sapent leurs systèmes de production et de reproduction sociale. Dans les dernières années, avec l’entrée du Soudan dans la «globalisation», des transformations bouleversantes pour le pastoralisme nomade se sont intensifiées : développement de conflits armés, pressions sur le foncier, «revitalisation» des chefferies tribales locales.

Programme de la journée d’études : Regards anthropologiques sur le pastoralisme nomade au Soudan [PDF]

Jean-Claude Combessie, 1937-2010

Jean-Claude Combessie est décédé la semaine dernière.
 

Né en 1937 et issu d’un milieu d’enseignant (son père est professeur de physique à Sarlat et sa mère institutrice), Jean-Claude Combessie est élève en classes préparatoires à Bordeaux, où il rencontre notamment Michel Pialoux. En 1959, il intègre l’École normale supérieure de la rue d’Ulm et fait la connaissance de Jean-Claude Chamboredon. Et c’est à l’occasion d’une conférence de Pierre Bourdieu à l’ENS sur l’Algérie, qu’il rencontre ce dernier. En 1962, il obtient l’agrégation de lettres classiques, fait son service militaire, puis enseigne pendant trois ans dans l’enseignement secondaire.
Il entre alors en sociologie « pour le terrain, pour le plaisir de sortir des livres » et devient, en 1966, assistant, puis maître-assistant, en sociologie à la Sorbonne. De 1969 à 1971, il est à la Casa Velasquez de Madrid, ce qui lui donne l’occasion de découvrir l’Espagne, pays dont il tombera amoureux, ainsi que le travail interdisciplinaire. En 1971, il revient à Paris pour enseigner à Paris V puis à Dauphine et siéger un temps au Comité consultatif des universités (ancêtre du CNU). En 1980, il soutient un Doctorat d’État sous la direction de Georges Balandier qui donnera lieu à un livre intitulé Au sud de Despenaperros : pour une économie politique du travail (éd de la MSH, 1989). En 1981, il obtient un poste de professeur de sociologie à Amiens, alors jeune université en pleine expansion et dans laquelle il reste jusqu’en 1989, date à laquelle il rejoint celle de Paris 8 Vincennes-St Denis, où il enseigne jusqu’en 2002, année où il prend sa retraite. Dans la même période (de 1984 à 1997), il est codirecteur du Centre de sociologie de l’éducation et de la culture et sera aussi, un temps, responsable de l’IRESCO. À Paris 8, il sera aussi directeur du département de sociologie et membre du conseil scientifique.

En dehors de l’ouvrage cité précédemment, Jean-Claude Combessie est notamment l’auteur de :
« Éducation et valeurs de classe dans la sociologie américaine », Revue française de sociologie, X, 1969.
« Marché du travail et dynamique des valeurs. La cueillette du coton en Andalousie », Actes de la recherche en sciences sociales, n°41, 1982.
« L’évolution comparée des inégalités : problèmes statistiques », Revue française de sociologie, XXV, (2), 1984.
« Paradoxe des fonctions de concentration de C. Gini », Revue française de sociologie, XXVI, (4), 1985.
La Méthode en sociologie, La Découverte, 1996.

Biographie plus longue, rédigée par Francine Muel-Dreyfus et Afranio Garcia :

Né en 1937 à Sarlat (en Dordogne), d’un père professeur de physique et d’une mère institutrice, Jean-Claude Combessie, après avoir été élève en khâgne au lycée M. Montaigne à Bordeaux, où il est le condisciple de Michel Pialoux, entre à l’ENS d’Ulm en 1959 et obtient l’agrégation de Lettres classiques en 1962. A l’ENS, il a Jean-Claude Chamboredon et Olgierd Lewandowski comme condisciples, et rencontre Jean-Claude Passeron et Pierre Bourdieu. La présentation dans ce cadre des travaux menés par Pierre Bourdieu et Abdelmalek Sayad en Algérie lui fait découvrir tout l’intérêt des approches sociologiques. Après son mariage avec une camarade de promotion, Christine Savy, dont il aura trois enfants, Philippe, Anne et Florence, il enseigne trois ans dans le secondaire à Périgueux et Marseille.

En 1964-65, le petit groupe de condisciples de l’ENS se retrouve à Paris et organise les travaux dirigés de l’enseignement de sociologie à la Sorbonne, auprès de Raymond Aron, expérience qui s’est inscrite dans le travail d’élaboration du Métier de Sociologue (Mouton, 1968). Centrés sur l’épistémologie, ces TD faisaient une large place à la discussion des techniques d’enquête -statistiques et observations approfondies de type ethnographique- telles qu’elles avaient été utilisées dans Travail et travailleurs en Algérie (Mouton, 1963) .En 1966, Jean-Claude Combessie est nommé assistant de sociologie à la Sorbonne (aujourd’hui Paris 5), et y enseigne comme maître-assistant puis maître de conférences jusqu’en 1981.

En 1969, il publie un important article sur la sociologie de l’éducation américaine dans la Revue Française de Sociologie. De 1969 à 1971, il est membre de la section scientifique de la Casa de Velasquez de Madrid et engage une longue enquête de terrain sur la paysannerie en Andalousie. Il en fera une thèse pour le doctorat d’Etat, soutenue en 1980 sous la direction de Georges Balandier, puis un ouvrage, paru en 1989, Au sud de Despeñaperros. Pour une économie politique du travail. Associant une approche ethnographique et une enquête par questionnaire auprès d’un large échantillon de chefs de famille, cette recherche sur des zones agricoles irriguées de la région de Séville est une contribution majeure à l’une des questions centrales de la sociologie économique contemporaine : « L’économie des faire-valoir excède en tout cas le marché, qui en est un produit, et dont les lois, les prix, les équilibres et même les affrontements sont indissociables d’une économie générale des oppositions, des solidarités et des divisions du travail familial, de classe, de village, de religion, de club. (…) Il y a une économie politique des rapports communautaires. Ce cas permet de voir comment l’économie d’un groupe commande l’économie des modes de valoir en son sein ».

En 1981, il est nommé professeur de sociologie à l’université de Picardie où il dirigera le CURSA (Centre universitaire de recherches sociologiques d’Amiens). De 1984 à 1996, il co-dirige à Paris, avec Monique de Saint Martin, le Centre de sociologie de l’éducation et de la culture (CNRS/EHESS) fédéré avec le Centre de sociologie européenne dirigé par Pierre Bourdieu au Collège de France.

En 1989, il est nommé professeur de sociologie et responsable de la formation doctorale « Modes de vie, Politiques sociales » à l’université Paris 8, poste qu’il occupera jusqu’en 2002 en même temps qu’il assurera la responsabilité de la direction de l’IRESCO (Institut de recherche sur les sociétés contemporaines, F.R.10 du CNRS). En 2005, il est nommé professeur émérite de l’Université Paris 8.

Ses travaux se sont développés selon deux axes principaux : la méthodologie et la critique sociologique des constructions statistiques. En 1996, il fait paraître La Méthode en sociologie, portant sur les techniques d’enquête, le traitement des données, la construction des échantillons, les classements et les liaisons statistiques. Il introduit ainsi son propos : « un objectif spécifique de la sociologie en tant que science n’est-il pas d’appliquer à ses propres productions un des postulats qui la fondent, le sociocentrisme des représentations, même savantes ? La méthode en sociologie se voit alors investie d’une double et redoutable mission : objectiver la recherche ‘ à la manière ‘ des sciences expérimentales et objectiver les représentations inévitablement sociocentrées de ses propres grilles de lecture ».

Débouché provisoire d’une réflexion théorique continue sur la notion d’égalité/inégalité des chances, fruit de longues nuits blanches pour dominer les procédures statistiques qu’il inventorie et explore, l’article de 1984, « L’évolution comparée des inégalités », constitue un pavé dans la mare qui a ouvert un débat fourni et durable à la fois dans le milieu des statisticiens et celui des sociologues : un nombre considérable d’articles se sont inscrits dans sa contestation ou dans son prolongement. Il ouvre aussi la poursuite de ses propres réflexions pour clarifier davantage le point mis en évidence et ses implications, dont témoigne tant son ouvrage sur la méthode, notamment dans son chapitre 7, que la reprise récapitulative de ce problème dans un article de 2004.

Sa réflexion sur la méthode était tout l’opposé d’une quête d’orthodoxie. Encadrant une équipe franco-brésilienne qui menait une enquête dans le Nordeste du Brésil en 1997, sur les ouvriers agricoles descendants d’esclaves, il avait pris plaisir à tirer les leçons du bonheur paradoxal éprouvé par les participants à enfreindre les règles de la méthode et à « découvrir » à quelles conditions « infraction vaut connaissance ».

Jean-Claude Combessie a dirigé de très nombreuses maîtrises, DEA et thèses à l’Université de Picardie, à l’EHESS et à l’Université Paris 8, s’impliquant fortement depuis les enquêtes de terrain jusqu’à l’élaboration des hypothèses et la mise en forme définitive. Une fois leur diplôme passé, les étudiants devenus jeunes chercheurs pouvaient compter sur lui pour les aider dans leur insertion professionnelle. Une de ses collègues enseignante au séminaire de maîtrise et DEA, qu’il avait monté avec Trinh Van Tao à l’Université de Picardie, se souvient de l’inépuisable patience de Jean-Claude face à des étudiants peu armés culturellement, souvent maladroits dans leurs formulations mais tellement désireux d’apprendre et surtout avides d’accéder à travers leur objet de recherche à un usage autoanalytique de la sociologie. Ce rapport d’urgence vitale à notre savoir, Jean-Claude était de ceux qui le comprenaient.

Comme l’a formulé un autre de ses amis témoignant de sa disponibilité sans cesse renouvelée, « si sa porte était toujours ouverte à tous, son dévouement acquis à tous, s’il n’a cessé de se laisser mettre dans des situations où il paraissait à contre-emploi, en porte à faux, créateur ou animateur d’institutions diverses mais improbables ou ingérables, littéraire enseignant les statistiques ou chercheur créant un diplôme professionnel de gestion, responsable de contrats multiples, encadrant les recherches les plus diverses, ce n’était certes pas par goût du pouvoir ni des honneurs ».

A travers les responsabilités qu’il a exercées dans de nombreuses institutions de recherches, formations doctorales et programmes scientifiques, Jean-Claude Combessie a contribué d’une façon discrète mais décisive au dynamisme de la recherche collective, y compris par l’usage des techniques informatiques, comme dans le cadre du programme Marie Curie de la CE. Il a également été à l’origine de nombreuses initiatives de coopération scientifique internationale depuis les années 1990, notamment en partenariat avec des institutions brésiliennes (Museu Nacional, PUC-SP, Universidade da Paraiba), colombienne (Universidad Nacional à Bogota), argentine (Universidad de Cordoba), bolivienne (Universidad de La Cordillera, La Paz) et mexicaine (Universidad de Puebla). Tous ces échanges et ces collaborations, et aussi son soutien aux jeunes chercheurs espagnols et latino-américains, ont créé de forts liens d’amitiés et de reconnaissance. L’un d’eux, à l’annonce de sa disparition, s’exprime ainsi sur Internet : « Hoy es un dia importante, porque mi hijo Manuel va, por primera vez a la garderia. Cadiz esta nublado y al dejar a Manuel he pensado en Jean-Claude. Su bella sonrisa de sabio estoico, tiernamente burlona, siempre acogedora, torneada con cada matiz (Jean-Claude pensaba a traves de su sonrisa, o quisas con su sonriza) me seguira acompañando. Como decian los arnaquistas espanoles : que la tierra te sea leve ».

Références bibliographiques
« Éducation et valeurs de classe dans la sociologie américaine », Revue française de sociologie, X, n°10 /11, 1969.
« Marché du travail et dynamique des valeurs. La cueillette du coton en Andalousie », Actes de la recherche en sciences sociales, n° 41, 1982.
« L’évolution comparée des inégalités : problèmes statistiques », Revue française de sociologie, XXV, n° 2, 1984.
« Paradoxe des fonctions de concentration de C. Gini », Revue française de sociologie, XXVI, n° 4, 1985.
Au sud de Despeñaperros. Pour une économie politique du travail, Paris, éditions de la Maison des Sciences de l’Homme,1989.
La méthode en sociologie, Paris, La Découverte (coll. « Repères »), 1996 (5e éd. 2007).
« D’une infraction heureuse aux règles de la méthode », Cahiers du Brésil Contemporain, n° 43/44, 2001.
« Trente ans de comparaison des inégalités des chances : quand la méthode retenue conditionne la conclusion », Courrier des statistiques, n° 112, 2004.

L’arrière-cour de la mondialisation

Daniel Terrolle, anthropologue et maître de conférences au département de sociologie de l’université Paris 8, vient de publier, avec son collègue Patrick Bruneteaux, L’arrière-cour de la mondialisation. Ethnographie des paupérisés.

Cet ouvrage explore les mondes de la pauvreté en se proposant de sortir du débat français sur l’exclusion. À partir d’analyses internationales neuves sur les différents visages de la paupérisation et de la survie des surnuméraires dans le cadre actuel de la mondialisation néo-libérale, il questionne la porosité des concepts scientifiques immergés dans la demande sociale et soumis aux catégories de l’action publique. Ce faisant, il contribue au dévoilement des formes de collusion des chercheurs avec le Pouvoir.
Cependant, le parti d’embrasser différentes figures du sous- prolétariat dans le monde ne s’épuise pas à offrir un large panorama des formes d’exclusion et de survie sur les cinq continents. Outre qu’ils proposent des monographies inédites (Japon, Ukraine, Antilles, Palestine, Brésil, Pérou, USA, Ghana, France) révélant l’homogénéité de l’arrière-cour de la société néo-libérale, les auteurs ont aussi pour ambition de questionner intimement les postures des chercheurs affrontés à des violences sociales souvent extrêmes. En interrogeant leurs adaptations pour mesurer les violences que subissent les plus dominés, ce que d’aucuns appellent les « terrains difficiles », ils explorent de nouveaux outils d’analyse. En osant aussi questionner les mondes dits de la « marginalité » (« jeunes des banlieues, « prostituées, « délinquants », « toxicomanes », « SDF », « sans-papiers »…), ils mettent en évidence autant les violences internes qui les gouvernent que celles de la mondialisation.

Sommaire

    Introduction. Patrick Bruneteaux, Daniel Terrolle

    Science sociale des paupérisés et dépendances à l’État « social », Patrick Bruneteaux, Daniel Terrolle

    Première partie. Dimensions internationales et comparées de la pauvreté

    Les Nojukusha de Tokyo : relégation, déni de pauvreté et réponses parcellaires Mélanie Hours

    Cultiver son jardin-ghetto à la Martinique Véronique Rochais

    Du moukhaiam à la favela Amanda Dias

    Violences étatiques et institutionnelles contre le Lumpen aux États-Unis Philippe Bourgois

    Seconde partie. Violences sociales et dominations chez les plus pauvres

    Violences et rapports de domination dans le microcosme de la prostitution travestie d’adolescents et jeunes adultes dans le sud de Lima Robin Cavagnoud

    Punir la dépendance toxicomaniaque des femmes pauvres ou les punir de leur pauvreté ? Magali Boumaza

    L’intervention militante en faveur des pauvres : un encadrement brutal indépassable ? Bénédicte Havard Duclos

    Troisième partie. Éthique et outils d’enquête en terrains difficiles

    Ethnographie, objectivation et image Yann Benoist

    Aux risques du terrain Sylvain Aquatias

    Du choix de méthodes d’investigation dans l’extrême… à l’étude du contre-transfert Karine Boinot

    Internet, un terrain d’enquête comme un autre ? Maryse Marpsat

    Le chercheur, la prostituée et les autres… ou comment entrer dans la place Véronique Chesneau

    Quatrième partie. Catégorisations sociales, catégorisations scientifiques

    La culture du « bomj » Anastasiya Ryabchuk

    La FEANTSA : vers une catégorisation européenne des « SDF » ? Marie Loison-Leruste

Informations sur le site des éditions du Croquant, et Introduction de l’ouvrage.

Retour sur… la journée d’étude « Memory Studies »

Les 1er et 2 Juin 2010, se sont tenus, à la Bibliothèque Universitaire de Paris 8 – Salle de la Recherche, deux jours d’échanges autour d’un séminaire sur les Memory Studies, et de la présentation des travaux des étudiants du Master de sociologie de Paris 8 et de quelques doctorants.

Ces journées ont bénéficié du soutien financier des RI de Paris 8, de la MSH Nord, du Pôle Ville de Paris 8, et des ministères des Affaires étrangères et de l’Enseignement supérieur à travers le programme de soutien au parcours Franco-Autrichien du master de sociologie de Paris 8 et de Vienne.
Une soixantaine de participants, étudiants et enseignants, ont contribué aux échanges. 17 posters et 7 communications ont été présentés.
Au-delà des difficultés rencontrées en cours de préparation – car un tel montage n’allait pas de soi ! – ces journées ont permis de faire la démonstration que des échanges extrêmement fructueux pouvaient s’établir entre des étudiants venus d’horizons diversifiés. L’obstacle de la langue a été vaincu grâce à la bonne volonté de tous : les orateurs qui se sont essayés à l’anglais, des traducteurs spontanés qui ont mis leurs talents à contribution quand le besoin s’en faisait sentir.


Journée "Memory Studies"

L’expérience de séjour Erasmus chez quelques-uns des étudiants présents, en particulier des Viennois venus à Paris 8, a montré sa valeur. Le passage de la situation d’auditeur à celle de communiquant a engagé chacun à tout mettre en œuvre pour se faire comprendre et tirer profit des exposés et des discussions. La double exposition des posters, dans le couloir et sous forme de power point pendant les exposés, ont contribué à un meilleur accès de chacun à la recherche des autres. L’exposition du travail des étudiants de L3 de Patricia Pellegrini sur les friches urbaines ont contribué à l’intérêt de la deuxième journée.
La présence de collègues du département, nombreux malgré la pression du travail croissante en fin d’année, la qualité des interventions et des échanges dans le séminaire Memory studies, ont, nous l’espérons, contribué à motiver les uns et les autres pour la finalisation de leurs travaux respectifs.

Claire Lévy-Vroelant, directrice du Master recherche de sociologie de Paris 8
24 juin 2010

Le logement social en Europe

Les Presses universitaires de Rennes publient ce mois-ci Le logement social en Europe au début du XXIe siècle, La révision générale, un ouvrage co-dirigé par Claire Lévy-Vroelant, professeure de sociologie à l’université Paris 8, et Christian Tutin.

Cet ouvrage analyse les transformations du logement social dans l’Union européenne au cours des trois dernières décennies. La politique du logement offre une excellente illustration de la difficulté à définir et à promouvoir un « modèle social européen » et le constat est celui d’une « révision générale » : missions, modes de financement et gouvernance. Au-delà de la distinction désormais classique entre modèles résiduel, généraliste et universaliste, il en ressort que les évolutions récentes vont parfois à l’encontre de certaines idées reçues.

Informations : http://www.pur-editions.fr/detail.php?idOuv=2362.

Classements sur les postes d’ATER (2010)

Le comité consultatif, réuni vendredi 4 juin 2010, a classé les personnes suivantes sur les supports d’ATER. Cette liste informative sera transmise aux conseils universitaires (CS et CA) pour validation.

Classement sur les postes d’ATER

4 demi-ATER, annuel.

Poste n°1 :
Deshayes Fabien
Makridou Efthymia
Pohn-Weidinger Axel
Amari Salima
Bauvet Sébastien
Louail Olivier

Poste n°2 :
Martinez Christian
Makridou Efthymia
Pohn-Weidinger Axel
Amari Salima
Bauvet Sébastien
Louail Olivier

Poste n°3 :
Mathieu Marie
Makridou Efthymia
Amari Salima
De Gasquet Béatrice
Zolesio Emmanuelle
Amelot Adelaïde

Poste n°4 :
Damamme Aurélie
Makridou Efthymia
Amari Salima
De Gasquet Béatrice
Zolesio Emmanuelle
Amelot Adelaïde

Cette liste sera transmise aux conseils universitaires pour validation.

Penser la violence des femmes

Coline Cardi, maîtresse de conférence au département de sociologie, co-organise un colloque, « Penser la violence des femmes » les 17 et 18 juin 2010.
Programme complet du colloque (PDF)

Le titre de ce colloque international comporte volontairement une restriction sexuée. Phénomène indéniablement minoritaire en termes d’occurrence statistique, la violence des femmes, si elle a pu largement nourrir un imaginaire collectif peuplé de figures féminines violentes (héroïnes belliqueuses ou figures monstrueuses), reste en France une question très peu explorée dans le champ des sciences humaines et sociales. Pourtant la violence des femmes est un phénomène constant.

De la même manière que pour Durkheim, le suicide ou le crime, loin d’être pathologiques, sont des phénomènes réguliers et dignes d’investigation sociologique, on voudrait montrer que l’accès des femmes à la violence légale et illégale constitue un levier pour analyser les rapports sociaux de sexe, d’une part, la violence et les normes de socialisation, d’autre part. Derrière l’usage par les femmes de la violence, se pose plus largement la question de la sexuation de la régulation et du maintien de l’ordre social.

L’organisation sociale repose en effet sur la mise en scène matérielle et symbolique d’une bipolarité qui distribue tâches et stéréotypes, opposant nature/culture, espace privé/espace public, donner la vie/donner la mort, force/faiblesse, virilité/féminité, sexe masculin/sexe féminin. Les femmes violentes contribuent à brouiller ces frontières, à instaurer un trouble qui est bien social et non pas seulement de l’ordre de l’exceptionnalité historique ou clinique.

Les femmes violentes sont-elles des « cas » qui confirment la règle d’une socialisation différenciée ? Permettent-elles au contraire de mettre en évidence des organisations sociales, des moments historiques et des situations sociales régies par d’autres hiérarchies ? Se rejoue-t-il une « division sexuelle du travail » violent ? Quel traitement les sociétés accordent-elles à la violence des femmes ? Le projet de ce colloque interdisciplinaire est de prolonger les recherches déjà engagées et d’ouvrir de nouveaux chantiers.

Message de François de Barros (cours M.C.U)

Seconde session cours d’introduction aux méthodologies et cursus universitaires du mardi 12-15h00 (cours de Françoise de Barros)
Les étudiants qui n’ont pas obtenu la moyenne à ce cours par le contrôle continu peuvent passer la seconde session. Elle consiste à améliorer, en prenant en compte les corrections, l’exercice de bibliographie qui a été réalisée dans le cadre du contrôle continu.
Rappel des consignes pour la bibliographie :
– 20 références bibliographiques au moins ;
– dont nécessairement 5 chapitres d’ouvrages ou articles de revues scientifiques ET 2 ouvrages généraux (ou de synthèse) ;
– toutes les références doivent permettre de traiter un sujet précisément indiqué en titre ;
– elles doivent être classées dans au moins 2 sous-thèmes ;
– elles doivent respecter les normes générales de mise en forme bibliographiques.

Ce travail est à rendre le lundi 31 mai à 12h00 au plus tard, sous la forme de fichier électronique et sur papier dans mon casier.