Dans le cadre de la demi-mineure “Pratique d’enquête” proposée en L3, onze étudiants ont participé durant l’inter-semestre, du 22 au 29 janvier 2011, à un stage de terrain à Fécamp, en Seine Maritime. Au cours du premier semestre, par groupe de deux ou de trois, ils ont choisi un thème d’enquête et ont élaboré un projet de recherche. Durant le stage, les étudiants et leurs enseignants (Nicolas Jounin et Claudette Lafaye, soutenus par Pierre Barron) étaient hébergés au Centre Saint Exupéry, un ancien couvent transformé en gîte communal, au sein duquel ils ont partagé repas, préparation d’entretiens, debriefing et réunions collectives de travail.
Cindy et Ilya se sont intéressées à l’Université libre et populaire de Fécamp et au public qui la fréquente. Leur travail cherche à comprendre si cette association, fondée en 2007, est d’abord un lieu de transmission de connaissances et d’échange de savoirs ou un endroit d’épanouissement et de densification des liens sociaux. Plusieurs semaines avant le stage, elles ont pris contact puis noué progressivement une relation privilégiée avec la vice présidente de l’Université populaire, devenue leur principale informatrice. Par son intermédiaire, elles ont diffusé un questionnaire auprès de la soixantaine de personnes présentes à la conférence de janvier. Outre les données quantitatives ainsi
recueillies, qui permettront d’identifier les caractéristiques socio-démographiques des participants, Ilya et Cindy ont réalisé des entretiens approfondis avec une dizaine de participants.
L’intérêt d’Ilya et Cindy pour l’Université Libre et Populaire a eu les honneurs de la presse locale (Le courrier de Fécamp du 12 février 2011), ce qui a les a conduites à préparer et gérer une interview journalistique. On les voit, ici, entourée du président et de la vice présidente de
l’Université populaire ainsi que de leur enseignante.
Claire et José ont choisi d’enquêter sur la production et la commercialisation du lin, une culture végétale industrielle, cultivée dans les départements de l’Eure et de la Seine Maritime. Au cours des 20 dernières années, la filière a été entièrement reconfigurée avec l’arrivée des acheteurs chinois sur le marché du lin. Comment les agriculteurs se sont-ils adaptés à la mondialisation de la filière ? Pour remonter la filière du lin, Claire et José ont rencontré des agriculteurs, des teilleurs, un courtier, des administrateurs et des cadres de coopératives linières.
La coopérative « Terre de Lin » a connu des restructurations conséquentes au cours des dernières décennies : issue de plusieurs fusions avec d’autres coopératives, elle rassemble cinq sites de production différents et emploie 200 salariés.
Afin de maîtriser le marché mondial du lin, elle a constitué une union avec deux autres coopératives et a recruté un directeur commercial parlant chinois.
Claire et José, avec une agricultrice, administratrice de la coopérative « Terre de lin », devant les bâtiments abritant les chaînes
de teillage et de peignage.
Aude Lore, Sakina et Ny Vohary se sont penchées sur la rénovation urbaine du quartier du Ramponneau qui bénéficie de financements de l’ANRU (Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine). Elles s’interrogent sur les formes d’ancrage et de mobilité des habitants de ce quartier, plus particulièrement de ceux résidant dans les quatre barres vouées à la démolition. Sur le terrain, elles ont fait l’expérience des manoeuvres des différents acteurs institutionnels pour circonscrire, contrôler et limiter leurs rencontres avec des habitants… Qu’à cela ne tienne, voilà un bel objet de réflexion sociologique pour le rapport final… Quant aux habitants, les trois apprenties sociologues n’ont pas
hésité à réaliser du porte à porte pour les rencontrer ! Enfin, heureux hasard du calendrier, elles ont également pu observer une réunion de concertation rassemblant le maire, les bailleurs sociaux, l’architecte et les techniciens en charge du projet et les habitants…
Photo mystère
Aude Lore, Ny Vohary et Sakina sont en train de réaliser une observation essentielle à leur enquête. S’agit-il ? (une seule réponse possible)
-d’une réunion des habitants référents [ ]
-d’une promenade urbanistique [ ]
-d’un diagnostic en marchant [ ]
-d’une formation au « vivre ensemble »[ ]
==> Réponse, dans l’encadré, à la fin de ce compte-rendu…
Audrey et Nadège ont décidé d’explorer les controverses autour de l’implantation de parcs éoliens offshore et, pour cela, ont entrepris de mener l’enquête à Fécamp et à Veulettes, commune littorale distante d’une vingtaine de kilomètres de Fécamp. Alors qu’à Veulettes, la contestation fait rage, conduite par une association composée essentiellement de résidents secondaires, à Fécamp, c’est le calme plat… Comment expliquer et rendre compte de ce consentement ? Celui-ci masque-t-il des formes d’oppositions larvées ? Audrey et Nadège ont rencontré deux maires soucieux de l’avenir de leur commune, une parlementaire européenne enthousiaste, le président de l’association des
plaisanciers, le responsable d’une association écologiste, des pêcheurs résignés… Elles ont poursuivi l’enquête à Paris et à Neuilly…
Audrey et Nadège dans la grande maison d’un interlocuteur pro-éoliennes
Emeric et Hugues, qui sont de fortes têtes, rechignaient à choisir un sujet en relation avec le territoire local. Au début, ils voulaient décalquer localement et sur la population des 15-25 ans, l’enquête quantitative sur les pratiques culturelles des français. Comme leurs enseignants ont poliment fait la moue (pas très excitant, ce sujet…), Emeric et Hugues se sont réorientés vers l’écoute et la pratique du rap chez les jeunes de la région de Fécamp. Comment une culture musicale d’origine urbaine parvient-elle à se développer en milieu rural ? Bonne pioche : Emeric et Hugues ont non seulement administré près de 400 questionnaires auprès des lycéens des établissements public et privé de la ville, mais ils ont identifié deux scènes de rap structurées de manières très différentes à Bolbec et à Fécamp, la première autour d’une MJC et d’ateliers d’écriture, la seconde autour d’un petit studio underground.
Emeric et Hugues attendant un rappeur en retard, devant la Maison des Jeunes et de la Culture de Bolbec.
Des entretiens, des observations, ça se planifie ! A chaque binôme, sa couleur ! Le calendrier de la semaine est chargé et les enseignants peinent à suivre, parfois.
On démarre à fond de train, dès le samedi après midi, avec quatre entretiens et des repérages du quartier du Ramponneau et de la ville. Le dimanche est assez tranquille. Les étudiants préparent leurs entretiens du lundi et participent à une
réunion collective de travail. Le binôme qui travaille sur le rap part à Bolbec pour un entretien et les autres groupes visitent le musée des Terres Neuvas et les falaises d’Etretat. Le lundi est encore raisonnable, mais le rythme s’accélère dès le mardi et le calendrier devient vite
saturé. Deux groupes ne savent plus s’arrêter et poursuivront l’enquête en région parisienne.
Après une journée bien remplie, il faut encore tenir son journal de terrain, participer à des debriefings individuels ou collectifs, préparer
les entretiens du lendemain, prendre en charge à tour de rôle la préparation du repas…
On dîne rarement avant 21h ou 22h.
Au final, un stage dense, passionnant et épuisant, mais une belle moisson : 57 questionnaires auprès des participants à l’Université populaire, près de 400 questionnaires sur l’écoute et la pratique musicale des lycéens fécampois ; 60 entretiens réalisés et, bien évidemment, de nombreuses observations effectuées et une riche collecte de documents…
Clin d’œil ! A propos de documents rares et de sens de l’observation, quelle œuvre originale repèrent donc les yeux exercés d’Aude Lore, Sakina et Ny Vohary, sur « la table aux livres » de la maison de quartier du Ramponneau ? Oui, vous avez bien lu, ce jour là, Ingolf Diener côtoyait Christopher Franck, mais aussi Henri Troyat et Françoise Sagan !
Pour en savoir plus sur cet énigmatique diagnostic et sur l’ensemble des recherches réalisées dans les trois stages de terrain comme sur le terrain local, rendez-vous au colloque de la demi mineure « Pratique d’enquête », organisé : le mercredi 11 mai 2011, de 9h à 16h, salle B106