Les garnis parisiens

Le quotidien L’Humanité consacre un article au livre de Claire Lévy-Vroelant et Alain Faure :

Île-de-france
Les garnis parisiens
L’Humanité, le 29 septembre 2007

Une chambre en ville. Hôtels meublés et garnis à Paris 1860-1990,d’Alain Faure et de Claire Lévy-Vroelant. Éditions Creaphis, 436 pages, 32 euros.

Les dramatiques incendies des hôtels meublés à l’été 2005 à Paris, qui ont fait plusieurs victimes, ont révélé l’existence d’une forme d’habitat populaire que l’on croyait dissoute dans les mouvements inéluctables de la spéculation immobilière. L’historien Alain Faure et la sociologue Claire Lévy-Vroelant ont entrepris l’étude minutieuse d’une histoire complexe qui met en lumière une facette méconnue, ou du moins enfouie dans les mémoires, de ce Paris populaire qui a longtemps fait sa réputation. « Les garnis ont représenté à la fois une structure d’accueil et un habitat de transition au sein d’une population parisienne, elle-même en constant renouvellement et en forte croissance. Autrement dit, ils ont accompagné, voire, dans une certaine limite, permis le peuplement de Paris », écrivent d’emblée les auteurs. Si le système des garnis et des hôtels meublés a connu son apogée jusque dans les années trente, au moment de la grande crise, il n’a jamais totalement disparu du paysage urbain. Sa fonction originelle, accueillir des ouvriers

et des familles modestes, a en effet trouvé un nouveau débouché après-guerre avec l’arrivée massive de travailleurs migrants. Il y avait en 1880 près de 10 000 logeurs de 200 000 personnes. Au tout début des années trente, près de 350 000 personnes, soit 11 % de la population parisienne, logeaient dans des hôtels meublés et des garnis. Longtemps synonyme de taudis et de logement insalubre, destructeur de la famille et de la morale, mis sous surveillance par la police qui y craignait les fauteurs de troubles, le nombre de garnis a régressé après les années soixante, lors du développement du logement social en banlieue et de la spéculation immobilière. Mais dans

la capitale ou dans ses communes riveraines (Saint-Ouen, Clichy, Saint-Denis, etc.) il n’a jamais complètement disparu.

La ville moderne abrite en effet dans ses recoins cet « infralogement », sorte de bidonville en dur qu’un promeneur attentif peut découvrir dans les rues parallèles aux grandes avenues des arrondissements du Nord-Est parisien. Les auteurs constatent certes un dépérissement du système des garnis qu’ils expliquent « dans l’épuisement historique du genre de clientèle qui en avait l’usage aux temps de l’urbanisation et de la révolution industrielle : les travailleurs, hommes célibataires, migrants de l’intérieur, qui venaient bâtir les villes. » Mais ils en concluent que « cet étonnant secteur n’a pas dit son dernier mot ». La pénurie de logements et la marginalisation croissante d’une catégorie de la population « recomposent le secteur »,

il le fait renaître sous d’autres formes, par exemple les résidences sociales : « L’État devient pourvoyeur d’hébergement. » Les pauvres restent au coeur de la ville. J. M.