L’Asile aux fous, un lieu d’oubli

asileauxfousLes Presses universitaires de Vincennes publient ces jours-ci L’Asile aux fous, ouvrage dirigé par Jean-François Laé, professeur de sociologie à l’université Paris 8 et Philippe Artières, historien.

Les photographies de Roger Camar sont prises entre deux lignées temporelles. D’un côté le surentassement des années 1950 la paillasse, la vie au sol, l’absence d’équipement pour vivre, point de draps ni d’espace personnel. De l’autre, la circulaire de 1960 qu’il tient en main et qui annonce une modernisation des locaux, une transformation des conditions de vie des patients, des thérapeutiques modernes, des sorties en post-cures, la prise en compte du milieu de vie, de l’espace familial. Entre ces deux forces qui traversent l’acte photographique de Camar — une longue durée asilaire insupportable et l’horizon d’un possible dehors — se loge un point de bascule qui permet d’ouvrir l’espace des circulations post-ambulatoire : le neuroleptique. Pour calmer les agités, pour donner une apparence socialement acceptable à la déambulation, le largactil ouvre la voie d’une socialisation plus sereine.
L’acte photographique devient un acte militant pour cette cause nouvelle, le titre même de son exposition : « Médecine ? Vous avez dit médecine… ? » Ce n’est en effet qu’avec les années 1970 que ces photographies vont voir le jour, être vues, exposées, brandi comme une attestation de l’insupportable, de l’intolérable.
A ces clichés seront alors associés les témoignages accusateurs. les psychiatrisés s’organiseront et ce sera le temps du Groupe Information Asile (GIA) et de la charte des internés…

sommaire

Archives photographiques / Roger Camar

  1. Enveloppe 1. « Perret-Vaucluse »
  2. Enveloppe 2. « Tunis »

Regards croisés

  1. Ouverture/L’ombre de l’asile / Philippe Artières & Jean-François Laé
  2. L’interdit photographique / Philippe Artières
  3. La psychiatrie postcoloniale : entre éthique et tragique / Jean-Christophe Coffin
  4. Témoignages : Mémoires de l’asile (1974)
  5. Le lit, dispositif de l’institution totale/ Jean-François Laé
  6. En d’autres lieux : Gorizia, 1961 / Mario Colucci

L’Asile aux fous. Un lieu d’oubli (2009)
Prises dans les années 1950, dans deux hôpitaux psychiatriques, à Tunis et à Paris, par un jeune médecin découvrant les conditions d’exercice de son métier, les photographies de Roger Camar constituent à la fois un regard interrogeant l’institution, un témoignage rare dans l’histoire de la psychiatrie et un geste unique de résistance face à l’intolérable.
Les textes qui les suivent n’ont pas pour vocation de les commenter, encore moins de les analyser, tout au plus de les accompagner dans leur exploration de ces étranges lieux frappés d’oubli.
À l’heure où les asiles disparaissent des paysages urbains, où la politique de santé ne cesse de régresser, où la maladie mentale est assimilée à la délinquance, les images capturées par l’objectif d’un « montreur de fous » ont plus que jamais quelque chose à nous dire.
Références : Laé (Jean-François) et Artières (Philippe), L’Asile aux fous, Presses Universitaires de Vincennes, 2009, ISBN: 978-2842922306.

Pour aller plus loin :

  • La page de Jean-François Laé sur le site du département de sociologie.
  • Présentation sur le site des Presses universitaires de Vincennes
  • Et se taire, un texte de Jean-François Laé sur le blog scriptopolis, tenu entre autres par Philippe Artières.
  • Les photographies de Roger Camar seront exposées dans le cadre de l’exposition « Michel Foucault, Archives de l’infâmie » à la bibliothèque municipale de Lyon, du 14 mai au 28 août 2009.

    L Asile aux fous Laé Artières PUV 2009 Photographies Roger Camar