Claire Lévy-Vroelant, professeure au département de sociologie de l’université Paris VIII, publie ce mois-ci Une chambre en ville (avec Alain Faure, historien)
Cet ouvrage retrace l’histoire méconnue d’un secteur du logement populaire à Paris: les «garnis», à savoir les maisons et hôtels meublés à destination des salariés modestes et des ouvriers. Certains drames de l’année 2005 (incendie de l’hôtel Paris-Opéra: 25 morts) ont de nouveau attiré l’attention sur les rares hôtels meublés qui subsistent aujourd’hui, vétustes et surpeuplés, signe de la pénurie de logements pour les plus démunis. Or, jadis, ces établissements pullulaient dans Paris: près de 10000 logeurs en 1880, et près de 200000 personnes logées ; au toutdébutdes années 1930, avant la crise économique, près de 350000 Parisiens (11% de la population de la capitale !) ne vivaientpas dans leurs meubles. Le migrant d’origine provinciale ou étrangère venan tà Paris pour travailler s’installait tout naturellement à l’hôtel. Avoir une chambre en ville, c’était le gage banal d’une indépendance minimum. Cette fonction de sas valait surtout pour les hommes; les femmes, à leur arrivée à Paris, occupaient plutôt des emplois où elles étaient nourries et logées.
Avec la crise économique des années 1930, le secteur commença un lent déclin. Au momentde la crise du logement des années 1950, l’hôtel meublé retrouva un second souffle. Le déclin s’accéléra ensuite dans les années 1960. Le garni était devenu dans l’opinion et pour l’État synonyme de taudis et de logement insalubre, destructeur de la famille et de la morale et une partie de ses habitants put accéder au logement social de masse. Subsistèrent
longtemps des formes particulières d’accueil des plus pauvres : vieilles maisons insalubres du centre etdes faubourgs, bidonvilles, foyers de travailleurs, cités de transit… Rôle rempli auparavant– et souvent infiniment mieux – par le garni.
Maintenus en vie comme substitut dérisoire au logement social déficient, ou bien transformés en «résidences sociales», les hôtels sontaujourd’hui bien loin de leur rôle ancien d’habitat de transition entre migration et intégration en ville. Leur survivance, signe de la misère des temps, estaussi le gage du maintien des plus pauvres dans la ville.
Références :
Titre : Une chambre en ville. Hôtels meublés et garnis à Paris 1860-1990
Auteur : Alain Faure et Claire Lévy-Vroelant
Editions : Créaphis (Grâne)
ISBN : 978-2-9136-1095-8
Présentation de l’ouvrage (PDF)